Loi sur l'énergie : un rendez-vous manqué
- Karim Benbrahim
- 24 juin
- 3 min de lecture

Explication de vote - Loi Programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie
Mardi 24 juin 2025
"Madame la Présidente,
Monsieur le Ministre,
Madame la Présidente de la Commission,
Monsieur le Rapporteur,
Chers collègues.
Comment réussir la décarbonation de nos activités ? Comment garantir à nos concitoyens et à nos entreprises une énergie à un prix compétitif ? Comment renforcer notre souveraineté énergétique et industrielle ? Voilà trois questions auxquelles cette proposition de loi aurait dû permettre d'apporter des réponses. Mais après une semaine de débat, force est de constater qu'elle n'est pas à la hauteur des enjeux que je viens de poser.
Durant l'examen de cette proposition de loi, le groupe socialiste et apparenté a porté une voie exigeante, équilibrée, loin des dogmatismes et fondée sur la science. La voie que nous avons proposée nous aurait permis de renforcer notre indépendance et notre capacité d'action diplomatique. Nous avons ainsi défendu l'idée de réduire nos importations énergétiques depuis des pays qui menacent nos intérêts fondamentaux. Mais, députés du socle commun, vous avez préféré mêler vos voies à celles de l'extrême droite pour vous y opposer. Nous avons également porté la nécessité d'un engagement clair en faveur de la sobriété, de l'efficacité énergétique, d'un investissement massif dans les énergies renouvelables. Une énergie décarbonée, créatrice d'emplois, compétitive, capable de renforcer notre souveraineté si nous soutenons les filières industrielles françaises et européennes. Une énergie déployable plus rapidement que le nucléaire.
Nous le savons, nous ne pouvons plus prendre de retard dans la lutte contre le dérèglement climatique. Mais là encore, vous avez tourné le dos à ces perspectives, refusant même de confirmer dans la loi l'engagement que nous avons pris au niveau européen. Et alors même que les scientifiques nous alertent, la trajectoire d'un réchauffement limité à 1,5°C est désormais hors de portée. Nous savons que le chemin à parcourir est semé de défis techniques, économiques et sociétaux. L'objectif d'un mix énergétique renouvelable et décarboné doit être réaffirmé. Mais la préparation de la décennie 2040 nécessitera encore une part réduite de nucléaire. Nous ne pourrons pas sortir à court ou à moyen terme à la fois des énergies fossiles et du nucléaire. Nous avons donc proposé d'investir pour prolonger la durée d'exploitation du nucléaire historique sous le contrôle de l'autorité de sûreté. Et nous avons proposé de réaliser d'ici 2050 la construction de huit nouveaux réacteurs. Mais vous avez préféré, collègues de la droite macroniste, aller dans l'excès, sans garantie claire sur l'impact de votre stratégie sur les prix de l'électricité et sans garantie sur la capacité financière et industrielle d'EDF à mener à bien le programme que vous proposez.
Monsieur le rapporteur, vous vous êtes laissé emporter au sein d'une coalition trumpiste allant du groupe Horizon au Rassemblement National. Cette coalition a déroulé un agenda simple, supprimer toute référence aux énergies renouvelables et faire du nucléaire le seul vecteur de notre stratégie énergétique. Nous vous avions pourtant fait part de propositions de compromis, tant sur le nucléaire que sur les énergies renouvelables. Nous vous avons proposé une clause de revoyure dans cinq ans pour prendre de nouvelles décisions sous l'éclairage du retour d'expérience des premiers investissements. Mais vous avez refusé toutes nos propositions, confiants sur l'idée de pouvoir bâtir une majorité de circonstances allant du centre droit à l'extrême droite. Mais finalement vous vous êtes laissé guider dans une impasse, celle du moratoire proposé par le groupe de la droite républicaine rendant impossible le seul objectif de développement des énergies renouvelables inscrit dans ce texte grâce à ma collègue socialiste Marie-Noëlle Batistel. Ce moratoire priverait la France de nouveaux moyens de production d'électricité. Une folie au regard de la crise énergétique que nous avons traversée ces dernières années. Une folie au regard des efforts d'électrification que nous devons réaliser.
Ce texte n'a désormais ni queue ni tête. Il dit à la fois noir et blanc. Il crée une insécurité juridique majeure au moment même où nous avons besoin de clarté et de visibilité pour soutenir nos filières industrielles.
Ce texte est devenu dangereux, dangereux pour l'environnement, dangereux pour les 120 000 emplois créés dans les énergies solaires et éoliennes, dangereux pour le pouvoir d'achat de nos concitoyennes et de nos concitoyens, dangereux pour notre souveraineté.
De populiste, cette proposition de loi est devenue absurde. Absurde avec l'objectif de redémarrer les tranches de Fessenheim alors même que des opérations irréversibles de démantèlement ont déjà été réalisées. Ce n'est plus une politique énergétique, c'est une opération de communication populiste. Nous avions besoin d'un texte ambitieux, écologique et sérieux.
Nous avions besoin d'une stratégie claire pour répondre aux défis qui nous sont posés. Ce texte est une occasion ratée. Les députés socialistes et apparentés voteront donc résolument contre."
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